Nostalgie Africaine

Le son du balafon me ramène en enfance.
Des gousses de kapok je faisais des bateaux
Pour aller naviguer sur l’eau du marigot.
Je chassais le lézard Margouillat dans les feuilles
Et mangeais des goyaves dans le vieil arbre gris.
Les couleurs du marché, le vendeur de vélos,
Pégase sur l’enseigne de la station service,
On grillait le maïs et puis les cacahuètes
Sur de grands braseros faits de bidons de fer.
Aux cascades de Banfora, où mon père m’amena,
Étaient les crocodiles que l’on disait sacrés.
Et quand la nuit tombait, sur une piste rouge
On allait écouter le cri des singes hurleurs.
J’eus peur des phacochères et des hippopotames.
J’ai connu des Noëls d’une chaleur intense.
On se piquait les mains, accrochant des guirlandes
Au buisson d’épineux tenant lieu de sapin.
Afrique de mon enfance, terre de Haute-Volta,
Une partie de mon cœur a dû rester là-bas.

On ne peut dans sa main, garder l’oiseau qui bat des ailes

Le départ

C’est une tradition qu’un enfant, aux alpages,

en gardant le troupeau, coupe une branche au charme,

au noyer, à l’ormeau, pour s’en faire un bâton.

Ce sera dans sa vie un compagnon fidèle,

tout autant une canne servant aux longues marches,

que son arme à la joute, ou encore au combat.

Sara, petite, reçut de son oncle un canif,

à la pointe duquel elle a creusé le bois.

Dans le cours du torrent, elle a puisé du sable

pour frotter le bâton afin de le polir,

de la cire du rucher, l’a longuement enduit,

tant pour le protéger que pour lui apporter

cet aspect si brillant qu’aujourd’hui elle admire.

Valéry Sauvage – On ne peut dans sa main, garder l’oiseau qui bat des ailes

Éditions 7e Ciel

Les rois des étoiles



Les rois des étoiles, assis sur leurs trônes, nous contemplent.
Autour d’eux, comètes, astéroïdes et satellites
tourbillonnent dans une valse infernale.
Qui donc pensons-nous être ?
Poussières perdues dans l’éternité qui nous submerge.
Et pourtant, l’espace n’est rien face au temps.
Ô ! temps, insaisissable, incertain, inconnu.
Passé perdu, qui a fui à jamais,
souvenir, rêves évanouis que l’on ne retrouvera plus,
joies fugaces et heures tristes, douces mélancolies,
tout cela n’existe que dans nos mémoires qui, petit à petit, s’effacent.
Du futur, que pouvons-nous dire ?
Rien, rien de certain.
Nos espoirs, en espérant qu’ils ne seront déçus.
Combien de fois déjà l’ont-ils été ?
Notre futur n’est fait que de l’attente de voir enfin
advenir ce que le passé n’a pas su nous donner.
Quant au présent, il file entre nos doigts,
sable mouvant dans sa cage de verre,
que nous ne saurions, à son terme, retourner.
Présent gaspillé à regretter ce qui fut,
à espérer ce qui ne sera peut-être pas,
à ne pas prendre le temps à bas le corps,
à ne pas saisir l’instant qui s’offre à nous.
Instant infini, comme l’espace qui nous entoure,
d’où les rois des étoiles,
assis sur leurs trônes,
nous contemplent.


Valéry Sauvage – 16 octobre 2021

Les sept soeurs – Inspiré d’une légende aborigène, de sept soeurs (Les Pléiades) transformées en étoiles quand elles étaient poursuivies par Orion (le Chasseur).

Sortie du conte « Amadou et la sanza »

Mon nouveau roman (conte pour les petits et les grands) « Amadou et la sanza » sort officiellement le 4 novembre. Mais il se trouve qu’il est disponible en avant première, vous pouvez le commander dès maintenant chez votre libraire préféré – faites travailler le commerce local autant que possible – ou sinon en ligne, par exemple :
https://livre.fnac.com/a17443127/Valery-Sauvage-Amadou-et-la-Sanza

Amadou et la sanza

Sortie prévue début novembre de mon prochain livre : un conte, dans le genre du réalisme magique (pour tous, jeunes ou moins jeunes). En voici le pitch et la couverture. Il sortira aux Éditions 7e Ciel, comme le précédent, merci à eux pour leur confiance.

« Amadou est orphelin. Amadou est albinos. Amadou parle aux animaux, car dans ses veines coule le sang d’Acantha, une dryade des forêts d’Afrique. Amadou est musicien, car dans ses veines coule le sang de Souleymane, un griot errant qui s’accompagne à la sanza.

Amadou est donc un petit garçon pas comme les autres. Adopté par un couple de Français, il va vivre, dans un petit village du Poitou, d’étonnantes aventures, et faire des rencontres qui bouleverseront le cours de sa vie. »

Ce conte est suivi d’un autre court conte africain, narrant l’initiation de Boukari, jeune joueur de balafon du Burkina Faso, qui apparaît furtivement à la fin du premier récit.

La bohémienne endormie

Bohémienne, dans la nuit claire,
Tu es sur le sable, allongée,
Avec ton luth à ton côté.
Quel est ton rêve sous la lune ?

Un rêve doux, à ton sourire,
Rêve d’amour dans les dunes.
Bohémienne, dans la nuit claire,
Quel est ton rêve sous la lune ?

Un lion qui venait à passer
N’ose pas te le demander.
Il te veille dans ton sommeil,
Comme la mère veille l’enfant.

Bohémienne, dans la nuit claire,
Avec ton luth à ton côté,
Quel est ton rêve sous la lune ?
Lion, peux-tu nous le raconter ?

Valéry Sauvage (novembre 2013)

La bohémienne endormie – Henri Rousseau – 1897

Kabîr, le poète mystique

Dans l’Inde médiévale, on pouvait croiser ces gens du peuple, habités d’une spiritualité profonde, mais vivant en dehors des cercles de savants lettrés et des cénacles religieux établis. Ils ne connaissaient pas le sanskrit et souvent se montraient assez critiques avec les représentants des religions établies.

Kabîr était un tisserand de Bénarès, vivant au XVIᵉ siècle. (il est mort en 1518). On ne peut le rattacher ni à l’Hindouisme, ni à L’Islam, bien que dans ses textes, il cite alternativement les dieux et prophètes de ces deux religions, mais c’est le plus souvent de manière métaphorique. De plus, il est souvent moqueur, parfois critique, envers les Bramhanes, les Cadis et les Pirs. Si on peut le classer parmi les Bhaktas, il n’adore pas un avatar ou un dieu en particulier, comme c’est souvent le cas, mais cite souvent Râm. Il fait plutôt référence dans ce cas au Dieu intérieur, à l’Absolu, au parfait Guru, qui, selon lui, habite en chacun de nous.

« Celui-là est vraiment fou, qui ne se connaît pas lui-même :
S’il se connaissait, il connaîtrait aussi l’Unique. »

(On pourrait rapprocher ces vers du « Connais-toi toi-même » inscrit au fronton du temple de Delphes…)

Il y a dans le message de Kabîr une sorte de syncrétisme qui explique qu’il utilise alternativement différents noms de dieux, y compris de religions différentes, pour personnaliser sa relation à l’absolu, cette relation pouvant aller dans le sens d’un panenthéisme (bien que cette notion ne soit apparue que bien après son existence…).

« Je suis en tout, tout est en moi,
Hors de moi, il n’y a rien. »

Voici un des textes qui me touche particulièrement (ici Hari désigne Râm, ou le Dieu intérieur, l’Absolu, cité à la ligne précédente).

« À quoi bon étudier, à quoi bon réfléchir,
À quoi bon écouter chanter les Écritures ?
À quoi bon lire et écouter ?
Si l’on n’a pas fait l’Expérience de l’Absolu ?
Si tu n’invoques pas le nom de Hari, ô stupide,
À quoi bon te perdre en réflexions ?

Dans l’obscurité, il faut une lampe,
Afin d’apercevoir la Chose unique, invisible,
Cette Chose invisible, je l’ai trouvée,
Car la lampe est cachée en mon corps même !

Dit Kabîr, désormais, je Le connais,
Et Le connaissant, j’ai trouvé la paix,
Mais les gens ne croient pas à mon bonheur,
Et s’ils n’y croient pas, qu’y faire ? »

(S. K. Sorathi 7;)

Dans : « Au cabaret de l’Amour » – Paroles de Kabîr
traduit et annoté par Charlotte Vaudeville (Gallimard-Unesco).
Peinture : Valéry Sauvage

Galerie de peintures

Quelques peintures naïves de mon cru, certaines dans le style Warli (tribu autochtones de l’Inde) certaines dans le style des aborigènes d’Australie.
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