À l’envers

Nous prenons toutes choses à l’envers, cherchant à expliquer l’inexplicable, à coller partout des étiquettes qui finissent par cacher la réalité des choses qu’elles voudraient définir, comme si les mots, les concepts, pouvaient remplacer l’expérience. La foi est étouffée par le dogme et le rite, la pensée veut à tout prix dominer le ressenti. L’ineffable est nié, car on ne peut justement mettre de mots pour le qualifier, et l’on érige en lois des théories qui n’ont parfois aucun fondement, mais qui sont commodes à manipuler, ou pour manipuler. Bien-sûr, le savoir et la pensée sont des outils nécessaires pour comprendre le monde et s’y orienter, mais sont-ils suffisants ?
Il manque à l’humain une dimension pour qu’il trouve enfin sa juste place. Une dimension spirituelle, mais débarrassée de toute superstition, de tous ces dogmes et croyances qu’on lui a inculqués durant des siècles. Cette dimension, il faut que l’humain la découvre par lui-même, en lui-même, on ne peut la lui imposer. C’est là le sens de sa vie, trouver cette dimension qui lui manque. C’est aussi la clé pour accéder au bonheur qu’il recherche en vain tout autour de lui. Car le bonheur ne peut pas se penser, se conceptualiser, il n’est pas autour de nous, il n’est pas dans l’autre, dans l’objet, dans la circonstance, il est en chacun de nous. C’est le ressenti que nous avons qui procure ce bonheur, pas l’objet auquel nous l’associons quand il survient par hasard. Et c’est là que nous prenons les choses à l’envers, en cherchant à reproduire l’expérience en nous attachant aux circonstances qui l’ont provoquée : la présence, la possession, l’évènement. Au contraire, c’est en nous que nous devons creuser pour trouver la source de ce ressenti, et pouvoir alors l’expérimenter indépendamment de ces circonstances.

(Le dit d’Athanase, le sage de la montagne)

Il est temps

Il est grand temps
de prendre le temps,
de prendre le temps par la main,
pour marcher à son pas.
On dit bien qu’il ne faut pas
aller plus vite que la musique.
C’est pourtant ce que nous faisons.
Nous vivons trop vite,
tout, tout de suite.
Prendre le temps, prendre son temps,
prendre le temps de respirer,
le temps de souffler.
Prendre le temps de savourer.
Et si nous avons peu,
raison de plus de savourer
le peu que nous avons.
Comme disait la chanson :
Il en faut peu pour être heureux :
une respiration, le flux et le reflux,
et le bonheur est là,
qui jaillit à l’intérieur.
C’est si simple qu’on se demande
après quoi nous perdons notre temps,
à courir partout sans raison.
Nous courons après notre ombre,
Nous courons après notre enfance perdue,
mais elle n’est pas perdue,
elle se tient là, tous près, au fond de nous,
attendant que nous voulions bien arrêter de courir,
que nous prenions enfin le temps,
le temps de regarder, en nous,
et d’enfin la retrouver,
cette magie qui mettait la lumière dans nos yeux,
quand nous avions le temps,
le temps de rire, le temps de voir,
le temps de sourire, le temps de respirer,
le temps de regarder, les soirs d’été,
le ciel et ses milliers d’étoiles.
Il est temps, il est grand temps
de prendre le temps,
le temps de respirer.

Athanase (le sage de la montagne)