Rue Blondel – le poème

Un texte écrit, devenu une chanson, un roman… Voici le texte d’origine.

Rue Blondel
J’avais dans les vingt ans
Un peu plus, un peu moins
Je traînais mes savates
Dans la grande cité.
Petits boulots par ci
Intérim par là
Grouillot dans les bureaux
De la Chaussée d’Antin
Porte câble à Auteuil
Levé tôt le matin.
J’aimais surtout marcher
Flâner sur les boul’vards
De la Porte St-Martin
A Strasbourg St-Denis.
Alors parfois j’allais
Aux rues où sont les dames
Et j’ai le souvenir
D’être souvent passé
De par la Rue Blondel
Oui mais juste passé
Jamais je ne montais
J’étais bien trop timide
Et j’avais pas la thune.
Or dans la rue Blondel
Y’avait une demoiselle
Que je trouvais jolie
Pas plus âgée que moi
Mais déjà maquillée
Comme aime le bourgeois
Elle avait l’uniforme
Que porte la profession
Une jupette ultra courte
Sur des bas qui grésillent
Et puis un boléro
Fait de fourrure blanche
Ayant peine à cacher
Un soutif en dentelle
Deux tailles trop étroit.
Et malgré tout cela
Elle était si jolie
Mais si triste avec ça
Que toujours je passais
Toujours elle était là
Elle n’avait pas trop l’air
D’attirer le chaland.
Elle se postait toujours
En haut de ses trois marches
Dans le creux d’une porte.
On aurait dit un peu
Comme une pauvre madone
Dessus son piédestal.
Un jour j’étais ému
Par son triste visage
Je montais les trois marches
Et lui dit dans un souffle :
« Vous êtes trop jolie
Pour faire ce métier-là. »
Elle me regarda
Un instant sans rien dire
Puis un joli sourire
Éclaira son visage.
Et moi tout rougissant
Je m’enfuis en courant.
Et depuis ce jour-là
Quand je suis repassé
Rue Blondel voir la fille
Elle avait disparu.



Le roman